DIMANCHE 13 Juillet 2008 - Groupe 1 - Le bisse du RIO

Pluie
Pluie implorée, pluie déplorée
Pluie bénie, pluie honnie
Pluie prospérité, pluie calamité.
Variations de gris : gris souris, gris menaçant, gris lassant, gris ardoise, gris mélancolie, gris à l’infini, ce matin.

Mais comme dit le dicton "Pluie du matin, n’arrête pas le pèlerin".
A 9h 30 le groupe composé de 17 marcheurs, 8 femmes et 9 hommes, parité oblige, piaffe d’impatience sur le parking de Cry d’Er à Crans. Après un faux départ, sous la conduite d’Eric d'abord (dé) puis finalement muni de sa carte, on attaque la petite montée vers Plan Mayens. Un concert d’aboiements nous salue quand nous traversons les prairies où sont édifiés des chalets ajourés de balcons fleuris. Nous cheminons sur le sentier qui longe le bisse du Ro. De 1500m à 1900 m d’altitude. Chemin aérien, rocheux, avec  des passerelles au-dessus d’à-pics vertigineux, des mains courantes, des roches qui se délitent, des rigoles qui rendent le sentier glissant par endroits. Des surplombs aussi, qui obligent à se courber et qui râpent les sacs à dos. Heureusement pour certains, le brouillard, qui cache les cimes et les pentes raides au loin, empêche aussi de voir l’abîme proche de nous.
Les parois ruissellent, les rochers suintent, les nombreuses cascades murmurent ou rugissent  selon leur hauteur. Tous nos sens sont en alerte, mais pour le panorama nous repasserons ultérieurement, nuages, brumes, bruines et brouillard constituent un rideau gris. Nous ne sommes plus que des ombres grises se mouvant dans un environnement gris. Des contours, des silhouettes, des esquisses, personnages irréels pour un conte fantastique.
Mais tout n’est pas si sombre ; quelques taches de soleil créent de petites éclaircies et nous réussissons tout de même à repérer quelques fleurs, orchis, grassettes des Alpes (les carnivores), ancolies roses et bleues…
Des soucis vestimentaires : on enfile la polaire, on enlève son anorak, on sort la cape, on la plie et la range pour la ressortir avec le parapluie. Que de manœuvres pour randonner à l’aise. La montée se poursuit, plus guère de bavardages. De temps à autre au-dessus de nos têtes, un pan de paroi, un pic ou un fragment de mur du barrage émergent des nuages. Et malgré l’absence de visibilité nous sommes émus  par la beauté époustouflante de ces lieux  sauvages. Petite pause énergie et ça repart. Nous quittons le bisse et débouchons dans les alpages. Les clarines tintent au loin. La montée sur le chemin élargi et boueux par endroits devient un peu plus rude. Quelques éclaircies, elles sont de courte durée cependant. Eblouissement, des colonies de lys martagons  parmi les gentianes jaunes, un régal pour les yeux, digne de la palette d’un peintre impressionniste. Emotion.

Bref arrêt à midi, arrêt écourté encore à cause de la pluie qui nous poursuit. Un tableau étrange se forme ; une cohorte sinistre de silhouettes bossues, revêtues de capes noires, portant parapluie noir, avance  dans la brume. Des personnages échappés d’un film fantastique.
Enfin le Lac Tzeusier, à 1800 m d’altitude nous le devinons, ne voyons même pas ses contours ni les montagnes qui le surplombent. C’est un peu dommage, le brouillard uniformise le paysage.
Nous ne nous attardons pas  et entamons la descente à travers les prairies sur un sentier glissant et boueux. De nombreuses  montées assez raides parfois succèdent aux descentes, certains grognent, trouvent que c’est trop long… Nous arrivons tout de même au bout.
Heureuse surprise, le bus est monté jusqu’au plan Mayens pour récupérer la petite troupe.

Une bonne journée malgré tout, même si le soleil n’était pas de la partie. (Yvonne Lehmann)